Actualités Contentieux #2 – Avril 2024
Deux arrêts récents rendus par la Chambre commerciale de la Cour de cassation et publiés au Bulletin viennent préciser les textes applicables à la mise en cause de la responsabilité du banquier – dont certains pourraient dire qu’elle s’en trouve « allégée« –, en matière (1.) d’opérations non autorisées et (2.) de retrait des concours consentis à une entreprise en difficulté.
1 – Opération non autorisée ou mal exécutée : seul le droit spécial est applicable
Dans un arrêt du 27 mars 2024, la Chambre commerciale de la Cour de cassation juge que « dès lors que la responsabilité d’un prestataire de services de paiement est recherchée en raison d’une opération de paiement non autorisée ou mal exécutée, seul est applicable le régime de responsabilité défini aux articles L. 133-18 à L. 133-24 précités [du Code monétaire et financier], qui transposent les articles 58, 59 et 60, paragraphe 1, de la directive 2007/64/CE, à l’exclusion de tout régime alternatif de responsabilité résultant du droit national« .
Exit donc la responsabilité de droit commun du banquier, notamment pour manquement au devoir de vigilance, lorsque sont en cause des opérations bancaires non autorisées par le client ou mal exécutées par le prestataire de services de paiement.
La Cour de cassation prend ainsi acte de la décision rendue par la Cour de justice de l’Union Européenne le 16 mars 2023, au terme de laquelle cette dernière avait rappelé que « sont incompatibles avec ladite directive tant un régime de responsabilité parallèle au titre d’un même fait générateur qu’un régime de responsabilité concurrent qui permettrait à l’utilisateur de services de paiement d’engager cette responsabilité sur le fondement d’autres faits générateurs » (CJUE, 16 mars 2023, Aff. C-351/21).
2 – L’article L.650-1 du Code de commerce ne s’applique qu’aux « concours » consentis par la banque
Dans un arrêt rendu le 6 mars 2024, la Chambre commerciale de la Cour de cassation rappelle que « les dispositions de l’article L. 650-1 du code de commerce ne concernant que la responsabilité du créancier lorsqu’elle est recherchée du fait des concours qu’il a consentis, seul l’octroi estimé fautif de ceux-ci, et non leur retrait ou leur diminution, peut donner lieu à l’application de ce texte« .
Ainsi, après avoir précisé la notion de « fraude » au sens de l’article L. 650-1 du Code de commerce dans un arrêt du 17 janvier 2024 (Com., 17 janvier 2024, n° 22-18.090), la Cour de cassation vient justement rappeler que cette disposition n’est applicable qu’à un concours fautif per se, effectivement octroyé et dont l’octroi est estimé préjudiciable.
En d’autres termes, dans l’hypothèse où ce sont les conditions dans lesquelles le concours est octroyé qui sont jugées fautives, le droit commun de la responsabilité – délictuelle ou contractuelle – doit s’appliquer.
Quant aux hypothèses de « retrait » ou de « diminution » fautive du concours, elles entrent dans le champ d’application de l’article L. 313-12 du Code monétaire et financier, à supposer toutefois que le concours en question ait été octroyé par un établissement de crédit. Le droit commun de la responsabilité contractuelle s’applique, dans les autres cas.
Pour mémoire
La loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises a introduit dans le Code de commerce l’article L. 650-1 en vertu duquel les créanciers ne peuvent plus être « tenus pour responsables des préjudices subis du fait des concours consentis, sauf les cas de fraude, d’immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur ou si les garanties prises en contrepartie de ces concours sont disproportionnées à ceux-ci« .
Cette disposition a été vivement critiquée, car instaurant selon certains un principe d’irresponsabilité, notamment des établissements de crédit.
Soumis au contrôle de constitutionnalité, le Conseil constitutionnel a considéré que le texte répondait à « un objectif d’intérêt général suffisant« , soulignant, d’une part, que la loi n’avait pas supprimé toute responsabilité mais simplement clarifié les cas dans lesquels les créanciers devraient répondre de leurs fautes et, d’autre part, que cette clarification était « de nature à lever un obstacle à l’octroi des apports financiers nécessaires à la pérennité des entreprises en difficulté« .