Actualités Fiscales #4 – Avril 2025
Réforme de la fiscalité des gains de management packages par la loi de finances pour 2025
Le cabinet Axipiter est heureux de vous présenter dans cette nouvelle lettre d’actualités fiscales la réforme de la fiscalité des gains de management packages issue de la loi de finances pour 2025.
Dans les opérations de LBO, il est fréquent que soient mis en place au niveau de sociétés holding des mécanismes d’intéressement appelés « management packages » au profit des cadres et managers.
Une clarification…
La question de la qualification fiscale des gains retirés par les bénéficiaires de ces plans a fait l’objet d’un long débat doctrinal et jurisprudentiel, les contribuables cherchant à bénéficier du PFU applicable aux gains issus de la cessionde titres, soit une imposition plafonnée à 30% (impôts et prélèvements sociaux) alors que l’administration tentait de faire reconnaître que ces gains sont des revenus d’activité, liés à l’exercice de leurs fonctions, pour les soumettre au barème progressif de l’impôt sur le revenu.
En 2021, le Conseil d’Etat avait tenté de trancher en adoptant une grille d’analyse plutôt favorable à l’administration fiscale : il posait le principe selon lequel l’avantage consenti au bénéficiaire du plan constitue un salaire lorsqu’iltrouve « essentiellement sa source dans les fonctions de dirigeant ou salarié de l’intéressé ». Le Conseil d’Etatindiquait que l’analyse de la nature du gain devait être effectuée à trois moments distincts : (i) lors de l’entrée dubénéficiaire dans le dispositif (acquisition du bon ou attribution de l’option d’achat), (ii) lors de l’exercice du bon ou de l’option et (iii) lors de sa cession.
Cette solution jurisprudentielle n’était cependant pas satisfaisante car elle ne levait pas l’insécurité juridique,compte tenu de la subjectivité du critère consacré, à savoir que l’avantage trouvent
« essentiellement sa source dans les fonctions de l’intéressé », alors que les management packages sont toujours attribués en raison de la qualité de salarié ou de dirigeant de la personne… Par ailleurs, cette grille d’analyse permettait encore, dans certains cas, de concevoir des plans reposant sur des mécanismes juridiques permettant d’échapper (ou d’espérer échapper !) à la qualification de salaires.
Cherchant à clore le sujet, le législateur est venu fixer un cadre légal à la qualification fiscale des gains issus de management packages à l’occasion de la loi de finances pour 2025.
… sans simplification ni allègement
Le nouveau régime fiscal, codifié à l’article 163 bis H du CGI, introduit un principe d’imposition en salaires du gain réalisé sur les titres attribués, souscrits ou acquis par des salariés ou dirigeants lorsque ce gain est « acquis en contrepartie des fonctions de salarié ou de dirigeant ». Dès lors, l’imposition devrait relever en intégralité du régime des plus-values s’il peut être démontré que le gain n’est pas acquis en contrepartie des fonctions, supposantque les conditions de leur réalisation ne présentent pas de lien avec le contrat de travail ou le mandat social. Lesnotions de contrepartie et de lien devront bien- sûr être précisées, ainsi que la façon dont elles doivent être appréciées.
Le texte prévoit que, par exception, une fraction de ce gain est imposable en tant que plus-value lorsque les titres issus du plan (i) présentent un risque de perte du capital souscrit ou acquis et (ii) ont été détenus pendant plus de deux ans (condition non applicable aux actions gratuites, options de souscription ou d’achat d’actions et BSPCE).
Si ces deux conditions sont remplies, la quote-part du gain qui relève du régime d’imposition des plus- values est égale au prix payé pour la souscription ou l’acquisition des titres, multiplié par trois fois la performance financière de la société, et diminué du prix payé pour la souscription ou l’acquisition des titres.
La performance financière de la société émettrice correspond à l’augmentation de la valeur réelle de sescapitaux propres (majorée des dettes envers tout actionnaire ou toute entreprise liée) entre la date à laquelle le manager a acquis ou souscrit ses titres et celle où il les a cédés (avec des ajustements en cas de réalisation de certaines opérations au cours de cette période).
Il ressort de ces modalités de calcul que la période d’appréciation de la performance financière de la société pourra être différente d’un manager à un autre, voir même d’un titre à un autre. En outre, si le managerdétient des titres d’une société ayant pour but de regrouper les managers (Manco), c’est la performance de la société opérationnelle dont la Manco détient les titres qui est prise en compte pour déterminer la nature fiscale du gain réalisé par le manager.
La loi de finances a également introduit à l’article L.137-42 du Code de la sécurité sociale une nouvelle contribution sociale salariale spécifique de 10 % calculée sur la partie du gain imposable en salaires. Cette contribution est acquittée par le salarié selon les mêmes principes que les prélèvements sociaux sur les revenus dupatrimoine. Le gain imposable en salaires n’est en revanche pas soumis aux cotisations sociales salariales et patronales (dont le taux est supérieur à 60%).
Ainsi, la fraction du gain relevant des plus-values est imposable au taux global de 30 % (plus éventuellement à la CEHR au taux de 3 % ou 4 %) alors que la fraction du gain relevant des salaires est imposable au barème progressif de l’impôt au taux de 30 %, 41 % ou 45 % (plus éventuellement à la CEHR au taux de 3 % ou 4 %) ainsiqu’à la contribution sociale salariale spécifique de 10 %. L’écart entre les deux catégories d’imposition est donc important.
Le nouveau régime fiscal s’applique aux plans déjà en cours puisqu’il s’applique aux dispositions, cessions, conversions ou mises en location de titres réalisées à compter du 15 février 2025.
En conclusion, bien que l’inscription dans la loi du régime fiscal applicable aux gains issus de management packages soit une bonne chose en termes de sécurité juridique, il est dommageable de voir s’alourdir la fiscalité d’un instrument destiné à récompenser le travail des managers, ce d’autant que le succès des opérations de LBOrepose en grande partie sur eux. Leur sort fiscal peut être comparé à celui des institutionnels investissant en equity dans le cadre des mêmes opérations, déjà nettement plus favorable (régime des plus-values à long terme) et qui, lui, n’est pas revu.
Comme auparavant, pour éloigner le risque d’une imposition en salaires des gains des managers (gain acquis en contrepartie des fonctions),les management packages devront éviter de reposer sur des instruments hybrides,c’est-à-dire relevant à la fois de l’investissement et de la rémunération, prévoyant par exemple une garantie derachat des titres à un prix minimum ou encore une garantie de rendement minimum attachée à des actions de préférence.
Le recours aux capitaux propres pour déterminer la prise de valeur réelle de la société est étonnant et s’écarte de la pratique quasi-généralisée qui consiste à appliquer à l’EBITDA un multiple choisi en fonction du secteur et de la nature de l’activité.
Espérons que les commentaires administratifs seront rapidement publiés au BOFIP pour clarifier la portée de cenouveau régime qui, même s’il clarifie les règles, pose une limite de performance au-delà de laquelle managerset salariés ne peuvent traiter, fiscalement et socialement, leur gain en plus-value et sont donc lourdement imposés.
Pour toute question, vous pouvez contacter :
Ghislain de PAZZIS
Avocat associé – DROIT FISCAL AXIPITER
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