Actualités sociales #6 – Mars 2023
Notre nouveau numéro d’Actualités Sociales a vocation à vous éclairer sur (1) les nouvelles obligations relatives au « passeport prévention » (2) la présomption de démission en cas d’abandon de poste, et (3) la jurisprudence marquante des trois derniers mois.
1. Zoom sur le passeport de prévention
La loi n°2021-1018 du 2 août 2021 visant à renforcer la prévention de la santé au travail a instauré le « passeport de prévention », dans lequel devront être renseignés les attestations, certificats et diplômes obtenus par le salarié dans le cadre des formations relatives à la santé et à la sécurité au travail (Article L.4141-5 du code du travail).
Le passeport de prévention sera applicable à partir d’avril 2023 depuis un espace personnel en ligne pour les travailleurs.
- Objectifs du passeport de prévention
- Vise à prévenir les risques en matière de santé et sécurité au travail pour les travailleurs en permettant à l’employeur d’anticiper les péremptions et mises à jour des formations, certifications, diplômes et titres pour maintenir le niveau de compétence de son personnel.
- Favorise la connaissance par les travailleurs de leurs droits et de leurs acquis en termes de formation.
Ce passeport ne devra pas (i) être un moyen de contrôle des compétences des salariés, (ii) constituer un prérequis obligatoire au recrutement des salariés, (iii) avoir pour finalité d’être un outil de contrôle des formations dispensées par l’employeur (iv) être confondu avec les droits du salarié attachés au CPF.
Précision : l’employeur reste libre de garder les supports qu’il utilise actuellement pour justifier de la réalisation des formations en cas de contrôle.
- A qui s’adresse le passeport de prévention ?
Le passeport s’adresse à trois publics distincts :
- Les travailleurs et demandeurs d’emploi
- Les employeurs
- Les organismes de formation
Précision : un système de notification automatique sera mis en place sur l’espace dédié afin
d’informer l’employeur et le salarié de l’alimentation du passeport.
- Contenu du passeport de prévention
- Attestations, certificats et diplômes relatifs à des formations en matière de santé et sécurité au travail ;
- Données relatives à l’identification de l’employeur, l’organisme de formation et le titulaire du passeport de prévention ;
- Données relatives aux attestations, certificats et diplômes obtenus par le titulaire du passeport ;
- Certificats obtenus par le salarié en matière de santé et sécurité au travail.
Précision : les formations dispensées antérieurement à la mise en place du passeport prévention pourront y être intégrées directement par le bénéficiaire.
2. Actualité législative liée la loi marché du travail
- Article 4 de la loi du marché du travail Abandon de poste = présomption de démission
Le nouvel article L.1237-1-1 du code du travail institue une présomption de démission du salarié qui abandonne son poste de travail et qui, malgré une mise en demeure de son employeur, ne le reprend pas et ne justifie pas de son absence.
Il s’agit d’une remise en cause du principe jurisprudentiel selon lequel la démission du salarié ne peut se présumer.
Ainsi, en cas d’abandon de poste par un salarié, l’employeur pourra bientôt mettre en œuvre une
procédure spécifique entraînant une présomption de démission à l’encontre du salarié.
Précision : le mécanisme de présomption de démission n’est pas encore applicable. Le décret d’application ne devrait être publié au journal officiel que d’ici trois ou quatre mois.
- Qu’est-ce que l’abandon de poste ?
La loi ne définit pas l’abandon de poste qui se manifeste en pratique par le comportement du salarié qui :
- Quitte son poste de travail sans autorisation de son employeur ;
- Ne se rend plus à son travail sans justifier de cette absence.
En revanche, il n’y a pas d’abandon de poste lorsque le salarié se trouve contraint de quitter son poste de travail, notamment dans les cas suivants :
- Consultation médicale justifiée par son état de santé ;
- Décès d’un proche ;
- Droit de retrait ;
- Exercice du droit de grève ;
- Refus d’exercer une instruction de la hiérarchie contraire à la réglementation.
- Procédure de mise en œuvre par l’employeur
En cas d’abandon de poste par un salarié, l’employeur devra le mettre en demeure, par lettre recommandée ou par lettre remise en main propre contre décharge, de :
- Justifier de son absence ;
- Reprendre son emploi dans le délai qu’il a fixé lui-même et qui ne pourra être inférieur à un délai minimum qui sera fixé par décret.
Si le salarié justifie d’un motif légitime pendant le délai qui lui est imparti, l’employeur ne pourra plus présumer le salarié comme étant démissionnaire.
- Conséquences pour le salarié
L’absence de justification dudit motif légitime et l’absence de reprise du poste de travail dans le délai fixé par l’employeur permettra de présumer le salarié démissionnaire (ces deux conditionsétant cumulatives). La date d’expiration du délai constituera donc la date de rupture effective du contrat de travail.
Cette présomption de démission entraînera la privation du bénéfice de l’indemnisation
chômage pour le salarié.
Néanmoins, cette présomption est une présomption simple, qui pourra être renversée par le salarié qui entend contester la rupture de son contrat de travail devant le Conseil de prud’hommes. L’affaire sera alors directement portée devant le bureau de jugement qui se prononcera sur la nature de la rupture et les conséquences associées. Il appartiendra au salarié présumé démissionnaire d’apporter les éléments nécessaires de nature à justifier la légitimité ou le caractère contraint de son abandon de poste.
Précision : si les juges concluent que la présomption de démission ne peut pas être retenue, la rupturedu contrat de travail pourra produire les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, ce qui n’est pas sans risque pour l’employeur. Celui-ci devra donc s’assurer du caractère volontaire de l’absence non autorisée du salarié avant de mettre en œuvre cette procédure. A défaut, il serapréférable d’avoir recours à un autre mode de rupture du contrat de travail, comme la rupture conventionnelle.
3. Jurisprudence marquante des trois derniers mois
- Soc., 20 janvier 2023, n°20-23.672
La Cour de cassation opère un revirement de jurisprudence ayant pour objet le périmètre d’indemnisation d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle (AT/MP), en cas de faute inexcusable de l’employeur.
Pour rappel, la 2ème chambre civile jugeait jusqu’à présent qu’en cas de faute inexcusable de l’employeur, la rente versée aux victimes d’AT/MP indemnisait à la fois la perte de gain professionnel, l’incapacité professionnelle, le déficit fonctionnel permanent (DFP), ainsi que les souffrances physiques et morales endurées, sauf à rapporter la preuve que ces préjudices n’étaient pas déjà indemnisés au titre du DFP.
Désormais, la Cour de cassation admet que les souffrances physiques et morales endurées par les victimes et leurs ayants droit ne sont pas couvertes par la rente et qu’elles doivent donner lieu à une indemnisation spécifique. Il n’est donc plus nécessaire pour les victimes de prouver que leurs souffrances ne sont pas déjà couvertes par le DFP réparé par la rente.
Pour les employeurs, cette nouvelle indemnisation sera à prendre en compte dans le provisionnement des dossiers de victimes d’AT/MP dû à la faute inexcusable de l’employeur.
- CA Pau, 5 janvier 2023, n°21-00.064 / CA Chambéry, 10 janvier 2023, n°21-01.052 / CA Reims, 14 décembre 2022, n°21-01.855/ CA Poitiers 8 décembre 2022 n°21-00.104/ CA Agen, 13 décembre 2022, n°21-00.621/ CA Toulouse, 9 décembre 2022, n°21-02.801/ CA Orléans, 29 nov. 2022, n°20-01.984
Les Cours d’appel, à l’exception de celle de Douai, rejettent toute contestation de la conventionnalité du « Barème Macron » en s’appuyant sur la position de la Cour de cassation du 11 mai 2022 qui avait validé ce barème.
- Soc, 23 novembre 2022, n° 21-13.059
Le délai de prescription de l’action en requalification d’un CDD conclu afin d’assurer le remplacement d’un salarié absent en CDI, fondée sur l’absence de mention du nom et de la qualification professionnelle du salarié remplacé, court à compter de la conclusion du contrat.
- Soc, 23 novembre 2022, n°21-17.483 et n°21-17.489
Le document écrit énonçant le motif économique de la rupture du contrat de travail que l’employeur doit adresser au salarié adhérant à un contrat de sécurisation professionnelle doit lui être remis personnellement. Des affichages dans l’entreprise ne permettent pas de justifier de cette information personnelle. A défaut, le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.
- Soc, 23 novembre 2022, n°20-19.961
Dans le cas où l’employeur revient sur sa décision de licencier le salarié protégé, cette rétractation ne peut être faite qu’avec l’accord du salarié. Dans ce cas, le juge judiciaire est compétent pour déterminer si l’acceptation du salarié à cette rétractation est non équivoque et donc valable, quand bien même son licenciement ultérieur a été autorisé par l’inspection du travail.
- Soc, 7 décembre 2022, n°21-11.948
Lorsque le juge prud’homal est saisi d’un recours contre l’avis du médecin du travail, il n’est pas obligé de s’en tenir aux conclusions du médecin inspecteur du travail dont il a sollicité l’expertise. Il peut en effet s’appuyer sur d’autres éléments, et notamment le rapport du médecin mandaté par l’employeur.
- Soc, 7 décembre 2022, n°21-16.000
Dans le cadre d’un licenciement pour motif économique, l’employeur ne peut ni limiter ses offres de reclassement préalable, ni dispenser le salarié de préavis avant notification de la rupture, et ce même si ce dernier en fait la demande.
- CE 4ème et 1ère chambres, 13 décembre 2022, n° 454491
Lorsqu’un projet de licenciement collectif dans un établissement de l’entreprise excède la compétence du chef d’établissement, le Comité Social et Economique Central doit être consulté et la Dreets du siège doit être informée. Néanmoins, la Dreets compétente pour homologuer le PSE reste celle de l’établissement.
- Soc., 14 décembre 2022, n° 21-18.633
Un salarié ne peut accepter par avance un changement d’employeur. Par conséquent, est nulle la clause de mobilité par laquelle le salarié lié par un contrat de travail à une société s’engage à accepter toute mutation dans une autre société appartenant au même groupe.
- Soc 14 décembre 2022, n°21-19.841
L’apposition d’une signature sous forme d’une image numérisée ne peut être assimilée à une signature électronique au sens de l’article 1367 du Code civil.
Toutefois, dès lors qu’il n’est pas contesté que la signature en cause est celle du gérant de la société et permet parfaitement d’identifier ce dernier, lequel est habilité à signer un contrat de travail, l’apposition d’une telle signature manuscrite ne vaut pas absence de signature, en sorte que la demande de requalification du CDD en CDI doit être rejetée.