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Actualités sociales #5 – Septembre 2022

Ce nouveau numéro d’Actualités Sociales a vocation à vous éclairer sur (1) les échéances relatives aux obligations en matière sociale, (2) les nouvelles mesures législatives impactant la paie des salariés, et (3) la jurisprudence marquante des trois derniers mois.

 

1 – Attention aux deadlines…

 

  • Depuis le 1er septembre 2022 -> Mise à jour du dispositif relatif aux lanceurs d’alerte + mise à jour du règlement intérieur

La loi du 21 mars 2022 visant à améliorer la protection des lanceurs d’alerte est entrée en vigueur le 1er septembre dernier.

Cette loi prévoit que les entreprises d’au moins 50 salariés doivent désormais mettre en place une procédure interne de recueil et de traitement des alertes. Celle-ci comprend une consultation du CSE avant que la procédure ne soit mise en œuvre. Si vous employez moins de 250 salariés, cette procédure pourra être commune à plusieurs autres entreprises ou à plusieurs sociétés d’un même groupe. Un décret d’application de la loi du 21 mars 2022 est attendu sur ce point.

Ainsi, la définition du lanceur d’alerte, sa protection et la procédure de signalement évoluent à compter du 1erseptembre 2022 et les employeurs sont tenus de mettre à jour (ou mettre en place, s’ils ne l’on pas déjà fait) le dispositif relatif aux lanceurs d’alerte.

Désormais, le signalement peut émaner d’un salarié comme d’une personne extérieure à votre entreprise (sous-traitants, actionnaires…).

En outre, cette nouvelle loi permet au lanceur d’alerte de choisir entre le signalement interne (au sein de l’entreprise) ou externe (auprès de l’autorité compétente, du Défenseur des droits, de l’autorité judiciaire ou d’un organe européen). Cette nouveauté met fin à la hiérarchie actuelle des canaux de signalement (signalement interne puis externe avant divulgation publique de l’information en dernier recours). De plus, le lanceur d’alerte doit maintenant obligatoirement effectuer un signalement externe avant de procéder à une divulgation publique.

Par ailleurs, depuis le 1er septembre 2022, les employeurs sont tenus de mettre à jour leur règlement intérieur pour y rappeler l’existence du dispositif de protection des lanceurs d’alerte afin d’assurer l’information des salariés sur le sujet (article L.1321-2 modifié du code du travail).

Cette nouvelle obligation a vocation à informer les salariés de l’existence du dispositif, de sorte qu’il n’est, à notre sens, pas obligatoire d’intégrer le contenu du dispositif dans le corps du règlement intérieur, mais uniquement d’en préciser l’existence.

Cette mise à jour nécessitera le respect de la procédure spécifique de modification du règlement intérieur (consultation du CSE, transmission à l’inspection du travail, affichage dans les locaux, dépôt au greffe du CPH compétent et entrée en vigueur 1 mois après dépôt et affichage).

 

 

  • Depuis le 1er août 2022  Nouvelles informations à communiquer aux salariés embauchés

Une directive européenne du 20 juin 2019 a abrogé une précédente directive relative notamment aux informations à communiquer par l’employeur aux salariés lors de leur embauche (Directive UE 91/533 du 14 octobre 1991).

Cette directive n’ayant pas été transposée en droit français dans le délai requis de 3 ans, les dispositions du code du travail doivent désormais et depuis le 1er août 2022 être interprétées à la lumière des exigences de cette directive.

En vertu de cette nouvelle directive, la liste des informations à transmettre aux salariés lors de leur embauche est étendue (i) et les modalités de communication de ces informations sont précisées (ii).

  • Sur les informations à transmettre aux salariés lors de l’embauche

Lors de son embauche, le salarié devait déjà être informé sur l’identité des parties, le lieu de travail, le poste (titre, grade, qualité ou catégorie d’emploi), la date de début du contrat, la durée des congés payés et du préavis, la rémunération et les conventions et accords collectifs applicables.

Désormais, selon la nouvelle directive, l’obligation d’information porte également sur la durée et les conditions de la période d’essai, le droit à la formation, la procédure complète à respecter en cas de rupture de la relation contractuelle, l’identité des organismes de sécurité sociale percevant les cotisations de sécurité sociale et la protection sociale fournie par l’employeur.

Plus spécifiquement, concernant la durée du travail, le contenu de l’information est détaillé. En effet :

  • Si la directive abrogée se contentait en effet d’évoquer la nécessité d’information sur la durée du travail quotidienne ou hebdomadaire ;
  • La nouvelle directive précise désormais que :
  • Si la durée du travail est prévisible -> l’employeur doit informer le travailleur non seulement de la durée du travail quotidienne ou hebdomadaire normale mais également des modalités relatives aux heures supplémentaires et à leur rémunération et, le cas échéant, de toute modalité concernant les changements d’équipe ;
  • Si la durée du travail est imprévisible -> l’information doit porter sur le principe de l’horaire de travail variable, le nombre d’heures rémunérées garanties et la rémunération du travail effectué au-delà de ces heures garanties, sur les heures et jours de référence durant lesquels le travailleur peut être appelé à travailler, sur le délai de prévenance minimal auquel le travailleur a droit avant le début d’une tâche et le cas échéant le délai d’annulation de cette tâche.

Enfin pour les contrats temporaires, la directive ajoute que l’information des travailleurs temporaires doit comprendre la date de fin ou la durée prévisible de la relation de travail et l’identité des entreprises utilisatrices.

Si la plupart de ces informations figurent généralement dans les contrats de travail les plus « standards », nous vous recommandons néanmoins de vous assurer que vos trames sont conformes à ces nouvelles obligations.

 

  • Sur les modalités de communication des informations transmises
  • Sur le délai de communication

Auparavant, un délai maximal de deux mois était fixé pour la communication des informations au travailleur par l’employeur. Désormais, les informations relatives à l’identité des parties, au lieu de travail, au poste, aux dates de début et de fin de la relation de travail, à la durée de la période d’essai, à la rémunération et à la durée du travail doivent être transmises au travailleur sous la forme d’un ou plusieurs documents, durant la première semaine de travail.

Les autres informations doivent, quant à elles, être fournies dans un délai d’un mois à compter du premier jour de travail

  • Sur le support de communication

La précédente directive précisait que l’information pouvait se faire via le contrat de travail et/ou un plusieurs documents écrits.

La nouvelle directive indique que l’information écrite et individuelle doit se faire au moyen d’un ou plusieurs documents remis soit sur papier, soit sous forme électronique, étant précisé que cette seconde modalité n’est possible que si le travailleur a accès à ces informations, si celles-ci peuvent être stockées et imprimées et si l’employeur conserve un justificatif de la transmission et de la réception par le salarié sous format électronique.

 

 

2 – Actualité législative ayant des impacts en matière de paie

 

  • Loi n°2022-1157 de finances rectificatives du 16 août 2022
  • Article 5 : les salariés peuvent temporairement monétiser leurs jours de repos ou de RTT

En principe, la possibilité pour un salarié de transformer ses jours de repos ou de réduction du temps de travail en majoration de salaire est réservée aux trois hypothèses suivantes :

  • les salariés en forfait jours peuvent renoncer, avec l’accord de leur employeur, à leurs jours de repos en contrepartie d’une majoration de salaire (article L. 3121-59 du code du travail),
  • le compte épargne-temps permet aux salariés de bénéficier d’une rémunération, immédiate ou différée, en contrepartie de périodes de congés ou de repos non pris (article L. 3151-2 du code du travail),
  • l’absence prise de jours de RTT par le salarié ouvre droit à une indemnité mais seulement si cette situation est imputable à l’employeur.

Par exception, l’article 5 de la loi précitée prévoit qu’un salarié peut, sur demande et en accord avec son employeur renoncer à tout ou partie des journées ou demi-journées de repos au titre des périodes postérieures au 1er janvier 2022 et jusqu’au 31 décembre 2025.

Les journées ou demi-journées alors travaillées à la suite de l’acceptation de cette demande donnent lieu à une majoration de salaire au moins égale au taux de majoration de la première heure supplémentaire applicable dans l’entreprise, soit au minimum 10% si un accord collectif le prévoit ou 25% en l’absence d’un tel accord.

  • Articles 2 et 3 : l’amélioration de la prise en charge des frais de transport des salariés en 2022 et 2023

En raison de l’augmentation du prix du carburant, le législateur améliore les dispositifs légaux qui permettent à l’employeur de prendre en charge une partie des frais de transports de ses salariés dans le cadre de leurs déplacements entre leur résidence habituelle et leur lieu de travail.

Ainsi :

  • Les entreprises sont incitées à aller au-delà de leur obligation légale de prise en charge des titres d’abonnements puisque :
  • Si en principe, seule la prise en charge obligatoire de 50% des titres d’abonnements aux transports publiques est exonérée fiscalement et socialement ;
  • La nouvelle loi prévoit, par dérogation, d’étendre le bénéfice de ces exonérations à la prise en charge facultative, c’est-à-dire à la prise en charge au-delà de 50%.
  • La prime de transport, laquelle permet à l’employeur de prendre en charge, de manière facultative, tout ou partie des frais de carburant et des frais d’alimentation des véhicules thermiques est ouverte désormais à tous les salariés de sorte que les deux conditions initiales d’éligibilité prévues par l’article L.3261-3 du code du travail sont temporairement supprimées.
  • Le cumul de la prime transport et de la prise en charge obligatoire par l’employeur des frais d’abonnement est autorisé pour les années 2022 et 2023.
  • Les plafonds d’exonération sociales et fiscales en cas de cumul d’un forfait mobilité durable/prime transport ou de cumul d’un forfait mobilité durable/abonnement aux transports publics sont relevés.

 

  • Loi n°2022-1158 portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat du 16 août 2022
  • Article 2 : dispositif de déduction forfaitaire de cotisations patronales sur les heures supplémentaires pour les entreprises dont l’effectif est compris entre 20 et 250 salariés

Cette déduction s’applique aux heures supplémentaires:

  • dites « classiques», c’est-à-dire celles réalisées au-delà de la durée légale fixée à 35 heures hebdomadaires ou de la durée considérée comme équivalente,
  • incluses dans une convention de forfait hebdomadaire ou mensuel et à celles effectuées au-delà de ces forfaits,
  • réalisées au-delà de 1607 heures par an par les salariés relevant d’une convention de forfait annuel en heures,
  • effectuées dans le cadre d’un aménagement du temps de travail sur une période de référence supérieure à la semaine, à l’exception des heures effectuées entre 1607 heures et la durée annuelle fixée par l’accord lorsqu’elle lui est inférieure,
  • effectuées dans le cadre d’un temps de travail réduit pour raisons personnelles.

Cette déduction forfaitaire sera applicable à toute heure supplémentaire effectuée à compter du 1er octobre 2022 et sous réserve de la parution du décret en définissant les modalités d’application.

  • Article 4 : la durée des dispositifs d’intéressement est allongée et la mise en place du dispositif par décision unilatérale est étendue aux entreprises de moins de 50 salariés

Conformément à l’article L.3312-5-I nouveau du code du travail, un accord d’intéressement peut désormais être conclu pour une durée comprise entre 1 et 5 ans (contre 1 à 3 ans actuellement).

Par ailleurs, en vertu de l’article L.3312-5-II nouveau du code du travail, la mise en place par voie unilatérale de l’intéressement est désormais ouverte aux entreprises de moins de 50 salariés non couvertes par un accord de branche d’intéressement dans les deux cas suivants :

  • Lorsque l’entreprise est dépourvue de DS et de CSE -> l’employeur doit alors informer son personnel par tout moyen du régime mis en place ;
  • Lorsque l’entreprise compte au moins un DS ou un CSE, mais la négociation ouverte avec le DS ou le CSE n’a débouché sur aucun accord  un procès-verbal de désaccord doit être établi et le CSE doit être consulté sur le projet de régime d’intéressement au moins 15 jours avant son dépôt auprès de l’administration.

La durée de ce dispositif d’intéressement mis en place par voie unilatérale est comprise entre 1 et 5 ans.

Ces dispositions s’appliqueront aux accord déposés à compter du 1er janvier 2023 et dans des conditions qui doivent être précisées par décret en Conseil d’Etat.

 

3 – Jurisprudence marquante des trois derniers mois

 

  • Soc., 29 juin 2022, n°20-22.220

L’employeur n’a pas l’obligation d’informer le salarié de son droit de demander dans les 15 jours suivant la notification de son licenciement des précisions sur les motifs de ce dernier.

 

  • Soc., 29 juin 2022, n° 21-11.437

Une enquête interne même lacunaire peut prouver un harcèlement. Pour apprécier la valeur probante d’une enquête interne, la Cour de cassation considère que celle-ci ne doit pas avoir été menée de façon illicite et qu’elle doit être évaluée au regard des autres éléments de preuve produits par les parties.

En l’occurrence, les éléments suivants, et en particulier le fait que :

  • l’employeur n’ait pas auditionné l’ensemble des salariés témoins ou intéressés par les faits litigieux ;
  • les 2 salariés ayant dénoncé les faits aient été auditionnés ensemble ;
  • les comptes-rendus d’audition n’aient pas signés ;
  • la durée de l’entretien avec le salarié accusé de harcèlement n’ait pas été précisée ;
  • les représentants du personnel (à l’époque des faits, le CHSCT) n’aient pas été saisis,

ont été considérés comme des « motifs impropres » pour écarter l’enquête interne dès lors que les juges du fond avaient constaté que l’enquête interne faisait état de faits de nature à caractériser un harcèlement moral ou sexuel.

 

  • CE, 20 juin 2022, n°437767, CSE de l’UES HOP c/ Ministère du travail, du plein emploi et de l’insertion

Dans cet arrêt, le Conseil d’État a répondu à la question de savoir si l’administration saisie d’une demande d’homologation d’un PSE devait tenir compte de l’obligation individuelle de reclassement pour apprécier le caractère suffisant de ce PSE.

Le Conseil d’Etat répond par la négative en considérant que même si le document unilatéral de l’employeur offre aux salariés des garanties en matière de reclassement individuel préalable au licenciement économique, l’administration saisie d’une demande d’homologation ne devait contrôler que le plan de reclassement collectif prévu par le PSE.

 

  • Soc., 29 juin 2022, n°21-11.077

Lorsque l’employeur et le CSE se sont accordés pour reporter la date à laquelle ce dernier doit donner son avis, les délais de consultation réglementaires ne s’appliquent plus. Dans un tel cas, le délai de consultation du CSE ne peut donc pas être porté rétroactivement à 2 mois à la suite de la désignation d’un expert par l’instance représentative.

 

  • Soc., 1er juin 2022, n°20-22.058

Même si les représentants du personnel n’ont pas été associés à la conduite d’une enquête interne menée par la direction des ressources humaines en raison d’un harcèlement moral invoqué par un salarié à l’encontre d’un collègue, cet élément de preuve doit être examiné par les juges du fond.

 

  • CA Aix-en-Provence, 24 juin 2022, n° 18/16187

Si, pour une salariée résidant à Saint-Raphaël depuis plusieurs années, avec un conjoint travaillant sur cette commune et des attaches familiales se situant dans le sud-est de la France, la mise en œuvre de la clause de mobilité nécessitant de fixer son domicile à proximité de Clermont-Ferrand, et portant ainsi atteinte à la liberté de choix de son domicile par l’obligation de déménager, était de nature à porter atteinte à sa vie privée, elle était justifiée par la nature de la tâche à accomplir et proportionnée au but recherché compte tenu de la fermeture de son service et faute de rapporter la preuve de l’exercice de sa prestation de travail sous la forme d’un télétravail.

 

  • CA Paris, 7 juillet 2022, n°19/08849

Le fait qu’un salarié ait dû quitter l’entreprise sans les égards dus à ses 30 ans d’ancienneté, du jour au lendemain, sans qu’un pot de départ n’ait été organisé, et alors que le motif du licenciement ne le justifiait pas, caractérise une attitude fautive de la part de l’employeur. Cette faute constitue une source d’humiliation ainsi qu’un préjudice moral incontestables pour l’intéressée, distinct de celui indemnisé par l’octroi de dommages-intérêts au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse.

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